La Palestine, le pays d’un million de captifs – Sahar ELKHATEB

Si l’Algérie est réputée être le pays d’un million de martyrs, la Palestine est certes le pays d’un million de captifs.

Au lendemain de la Journée du prisonnier palestinien, qui est commémorée tous les 17 avril, depuis 1974, comme une journée nationale de soutien au droit légitime du prisonnier palestinien à la liberté et à la dignité, une journée commémorée en Palestine et en dehors de la Palestine, là où se trouvent les palestiniens. Cette journée est instituée pour faire rappeler au monde entier les tortures, les violations et les abus dont sont victimes quotidiennement les détenus palestiniens dans les prisons de l’occupation, en mépris total de toutes les normes et conventions internationales et humanitaires, en particulier le droit international humanitaire, les conventions de Genève, les principes des droits de l’homme et le Statut de la cour pénale internationale.

Les Palestiniens, résistants ou simples civils, croupissent Par milliers dans les prisons israhélliennes[i], en toute illégalité au regard du droit international. D’ailleurs, l’emprisonnement de masse est une stratégie mise en œuvre depuis les débuts de l’occupation pour tenter de briser la résistance d’un peuple.

Si les martyrs ont sacrifié leurs vies pour la cause palestinienne, les prisonniers, quant à eux, sacrifient leur liberté et leur dignité pour cette même cause.

Cette date a été choisie pour célébrer la Journée du prisonnier, vu que le premier détenu palestinien “Mahmoud Bakr Hijazi” fut libéré lors du premier échange de prisonniers entre les Palestiniens et l’occupation israhéllienne.

Cette occasion de solidarité intervient alors que les autorités d’occupation israhélliennes continuent de détenir environ 9500 détenus, dont 80 femmes détenues et 200 enfants.

De plus, le nombre de détenus malades a atteint 849, et le nombre de journalistes détenus a atteint 56, dont 45 ont été arrêtés après le 7 octobre et sont toujours en détention, dont 4 femmes journalistes.

Concernant les martyrs du mouvement captif, les institutions ont indiqué que leur nombre s’est élevé à 252 martyrs depuis 1967.

Une campagne d’arrestations après le 7 octobre en Cisjordanie, y compris à Jérusalem, le nombre total des arrestations a atteint plus de (8 270) personnes.

A savoir que les forces d’occupation continuent de commettre des actes généralisés de torture, de passages à tabac et de menaces contre les détenus et leurs familles, sans parler du sabotage et de la destruction à grande échelle des maisons, des biens et des terres des palestiniens.

Ces attaques interviennent alors que Gaza vit la plus pire famine et catastrophe humanitaire avec une guerre génocidaire en cours pour le septième mois, dans une impunité totale des agresseurs, un soutien direct des USA et une impuissance inqualifiable de la communauté internationale à assurer une protection quelconque aux palestiniens.

Durant tout le mois du Ramadan, les forces de l’occupation israhéllienne continuent sans relâche et sans vergogne à perpétrer leurs différents crimes de guerre contre les civils palestiniens dont les plus graves sont les massacres collectifs, bombardant les habitations et les abris des civils palestiniens et les meurtres directs entraînant au premier jour de l’Eid la mort de 140 palestiniens dont cinq sont les fils et petits-enfants du président du Mouvement Hamas. De plus, les équipes de la protection civile et les secouristes ont poursuivi le recensement et le déterrement des corps des martyrs dans l’entourage du complexe hospitalier A-Chiffa et de la ville de Khan Younes après le repli des forces de l’occupation. Plus de 600 corps ont été déterrés dont la plupart sont en décomposition, ce qui fait atteindre le total des personnes tuées à 33 560 martyrs dont 73 % sont des femmes et des enfants. Quant au total des blessés, il a atteint plus de 76 000 personnes dont 12 000 doivent être traités à l’extérieur de la bande de Gaza, alors qu’environ 10 000 blessés sont toujours sous les décombres. De ces faits, se confirme de plus en plus l’impuissance de la communauté internationale à mettre fin à la souffrance de plus de 2 millions de personnes déplacées dans les centres d’hébergement et dans les tentes, victimes d’une famine aigue, des épidémies et de l’absence de tous les facteurs de vie avec l’insuffisance des aides et l’effondrement du système des services humanitaires. Cette situation est semblable à un emprisonnement en masse de toute une population dans un périmètre limité, la confinant dans des conditions pires que celles que vivent les prisonniers palestiniens.  

Il faudrait faire pression sur l’Etat de l’occupation sioniste pour le forcer à mettre fin aux violations cruelles à l’encontre des détenus dans les prisons de l’occupation et à soumettre à des enquêtes d’investigation les endroits et les conditions de détention de plus de 6 000 prisonniers et prisonnières, qui le sont depuis le début de l’agression contre la bande de Gaza. Ces enquêtes sont obligatoires surtout après le signalement répétitif des victimes et des rapports médiatiques qui confirment les tortures infligées à ces détenus, les opérations d’exécution sur le terrain, sans parler de la détention des prisonniers dans des endroits inconnus, des traitements inhumains indignes leur étant infligés et le droit de visite leur étant refusé.  Outre les tortures, les traitements indignes et les exactions dont souffrent les captifs, ils sont aussi victimes de lois racistes appliquées à l’encontre des centaines d’entre eux, les dépouillant de toutes les garanties stipulées dans la 3ème et 4ème conventions de Genève relatives au traitement des prisonniers de guerre.

La Cause des prisonniers et des détenus palestiniens constitue l’un des points de repère de la cause palestinienne et fait partie intégrante de l’histoire palestinienne en matière de résistance et de militantisme. Au fil de dizaines d’années, cette cause était et est toujours associée à la résistance contre l’occupation, pour restaurer les droits spoliés et retrouver la liberté perdue. Nous nous trompons en parlant historiquement et politiquement de détentions depuis 1967, en narrant l’histoire palestinienne. La cause des prisonniers et des détenus palestiniens ne date pas seulement de l’occupation israhéllienne de ce qui reste des terres palestiniennes suite à la défaite de 1967. L’existence des prisons et centres d’incarcération n’est pas liée dans le conscient des palestiniens à une époque israhéllienne déterminée, mais la date de leur apparition précède de loin la Nakba de 1948. Leurs racines s’étendent jusqu’avant la déclaration Balfour du 2 novembre 1917.

Si l’on se limite, dans notre discours au conflit entre palestiniens et israhélliens, il n’y a pas d’objection à ce que l’on revient en arrière vers la Nakba en l’an 1948 ; et ca serait commettre une grande erreur que de revenir vers la défaite de 1967, appelée la Nakssa, là où l’occupation israhéllienne étendit sa domination sur le reste des territoires palestiniens.

De ces faits, le narratif palestinien devrait commencer le jour où les palestiniens entrèrent aux prisons de l’occupant pendant le mandat britannique et les incarcérations devraient être consignées en séries par étapes de temps.  Le but est de maintenir la vérité ancrée dans la conscience collective, palestinienne et arabe, des générations successives et des peuples libres, les palestiniens attendent toujours que la documentation de l’ensemble des détentions et incarcérations verra le jour.

C’est pourquoi, il est de grande importance d’aborder la question des détentions et des incarcérations depuis les premiers débuts dans le contexte de notre narration de l’histoire palestinienne, sans exclure ou dissimuler la période qui s’étend entre la déclaration Balfour (1917) et la Nakba (1948), ou celle qui s’étend entre la Nakba (1948) et la défaite de 1967, en termes de faits et de responsabilité historique et de la Grande Bretagne et de l’occupation israhéllienne. Puisque on observe que la version palestinienne de l’histoire des détentions aborde directement la période 1948 et omet de parler de la période du mandat britannique de 1917, ni mentionne les étapes charnières de cette période. Très souvent, on mentionne brièvement la déclaration Balfour et on fait porter la responsabilité de l’occupation de la Palestine et la création de l’Etat d’occupation sioniste à la Grande Bretagne, ce qui est vrai mais sans aborder les crimes perpétrés par la Grande Bretagne elle-même durant cette période à l’encontre des Palestiniens. 

La Grande Bretagne doit non seulement présenter des excuses, tenter de remédier à cette erreur historique, en éliminer les répercussions, ou encore traiter les tragédies causées par la déclaration Balfour, mais il lui incombe de porter la responsabilité totale des violations et des crimes perpétrés à l’encontre des palestiniens durant la période 1917-1948, sans parler des opérations d’incarcération et de séquestration collective qui constitua un danger permanent. Cette période nécessite un grand effort collectif de recherche et de documentation de la part des chercheurs et des historiens ainsi que de la part des politiciens et des hommes de droits.

Celui qui effectue le traçage de cette période historique (1917-1948) observe clairement combien la tragédie fut grande et les crimes atroces et cruels, sous le mandat britannique. D’ailleurs, les chercheurs et historiens estiment les détenus palestiniens par dizaines de milliers, puisque les autorités du mandat britannique recoururent à la poignée de fer, à la violence, à la cruauté barbare dans le traitement des palestiniens. Cette politique connut une recrudescence à chaque fois que les palestiniens se révoltèrent contre l’injustice, une telle politique englobaient les campagnes d’incarcération, des actes cruels de torture, la flagellation jusqu’à la mort du détenu, les brûlures aux pieds, les attaques des chiens, les opérations de meurtre prémédité, ainsi que les exécutions massives et sommaires. De plus, l’Etat d’occupation israhéllienne hérita du mandat britannique nombre de prisons et de centres d’incarcération, de mauvaise réputation, il a aussi hérité une multitude de lois injustes et de résolutions infâmes dont la plus connue est « la détention administrative », qui devint un outil de vengeance et un moyen de punition collective, faisant partie intégrante du traitement indigne, infligé aux palestiniens.

Quant à la période suivant la Nakba de 1948, elle est exclue, dans une certaine mesure, des registres et des documents de l’histoire palestinienne du Mouvement des détenus. Lorsque les chercheurs se consacrent à documenter cette histoire, ils commencent par le début de l’occupation des territoires palestiniens en 1967, sans aborder cette période importante post 1948, même s’il est fait référence, de manière occasionnelle et restreinte aux incarcérations, dont n’est fait presque aucune mention.

 

La période post 1948 et jusqu’au 5 juin 1967, fut la période la plus dangereuse, la plus atroce, et la plus affreuse à l’encontre des détenus palestiniens et arabes, car à l’époque, les opérations d’incarcération furent collectives et arbitraires, et les forces de l’occupation jetaient des civils innocents dans les camps d’incarcération, supervisés par les groupes terroristes de la Haganah,  le Stern et l’Aragon. Cette période se caractérisait par la violence, les exactions physiques à l’encontre des détenus dont la fin nécessaire fut l’exécution ou l’enterrement dans des fosses petites et grandes en tant que tombes communes, sans que leurs proches aient connaissance de leur sort, et les considérèrent comme des disparus, selon des témoignages de rescapés palestiniens. Les faits et témoignages signalent que les groupes terroristes sionistes ont commis des actes de viol après incarcération de femmes palestiniennes puis les ont tuées après viol. Les incarcérations israhélliennes des palestiniens ne se sont jamais arrêtées, il fut recensé, depuis la Nakba de  1948, plus d’un million de cas de détention, englobant toutes les catégories de la société palestinienne, hommes ou femmes, jeunes et âgés, à tel point que toute la Palestine fut détenue derrière les barreaux, et fut désignée comme le pays d’un million de prisonniers et de détenus. Ainsi, toute étendue géographique dans la Palestine historique comptait une prison, un centre d’incarcération ou de détention. Les incarcérations sont devenues partie intégrante de la méthode de l’occupation israhéllienne pour dominer le peuple palestinien, et le moyen le plus destructif, le plus répressif, le plus asservissant de la société palestinienne

Mais malgré toutes ces opérations d’incarcération, malgré l’amertume et les préjudices néfastes dont sont victimes l’individu, la famille et la société palestiniens, malgré cette longue histoire pleine de souffrances, de tortures et d’exactions, qui restent impunies sous les yeux d’une communauté internationale volontairement impuissante et indéterminée avec préméditation à y mettre fin, la lutte pour la liberté et l’indépendance ne prendra certainement fin qu’après la fin de l’Occupation, de l’Oppression et de l’Injustice. 

***

[i]Il est volontaire d’écrire cet adjectif de la sorte pour affirmer que l’Etat  sioniste est un enfer, puisque le  mot « hell » en anglais désigne l’enfer.

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