Rites du Pèlerinage : Quelle teneur symbolique ? – Sahar ELKHATEB
Cinquième pilier de l’islam, le pèlerinage ne peut être accompli qu’une fois certaines conditions sont remplies : Être de religion musulmane, avoir la capacité juridique c’est-à-dire l’âge requis pour accomplir des devoirs religieux, avoir la capacité financière et corporelle. Il ne peut être financé par l’emprunt ou par l’argent illicite.
Manquer l’un des rites piliers invalide le hajj, tandis que les obligations non observées appellent une compensation. Pour les actes recommandés, libre aux pèlerins de les accomplir ou non.
RITES PILIERS
Le Pèlerinage islamique ou Hajj repose sur quatre piliers : la sacralisation (ihram) ; les tours rituels accomplis autour de la Ka‘ba (tawâf) ; la marche (sa‘y) effectuée entre les deux collines Safâ et Marwâ ; et la station (waqfa) au mont Arafât. Le pèlerinage est invalide en cas de non accomplissement de l’un de ces actes.
IHRAM : c’est l’état qui précède et prépare au pèlerinage, et doit s’effectuer avant l’entrée du périmètre sacré. C’est à cette étape où doit s’effectuer la formulation de l’intention d’accomplir le Hajj. Cet état de sacralisation est entamé aussi par le rituel de purification –Alghussl-, par lequel l’être humain renoue avec la pureté. En purifiant son corps, il apprête son âme à se purifier moralement. C’est une entrée en propreté sans artifices, sans superficialité, une pureté de l’innéité, du nouveau-né qui vient de voir le jour. C’est aussi l’étape pendant laquelle il faut adopter une tenue vestimentaire spécifique, une tenue plus proche du linceul, de couleur blanche, qui enveloppe le corps du défunt après son décès, sans couture pour les hommes et respectant le code vestimentaire de la femme musulmane, qui doit garder ses mains et son visage découverts. Une tenue dépourvue de bijoux, de parfum et d’ostentation. C’est une dépossession volontaire des biens matériels de ce monde, à commencer par le vêtement. Oui le vêtement qui reflète le rang social, la richesse matérielle, le niveau culturel doit être tel pour qu’il fasse penser à la mort, à l’au-delà. Toutes les différences de rang et de niveau sont mises en retrait pour revenir à l’état initial devant l’Unique, l’état de dépouillement et de destitution. Car c’est ainsi que l’être humain vient au monde et c’est ainsi qu’il le quitte. Cet Ihram, ou état de sacralisation est aussi une libération du corps pour que l’âme s’allège et puisse faire son ascension vers son Créateur. En accédant à cet état, il n’est plus permis de se couper les ongles, de prendre de ses cheveux, il faut faire ceci avant l’entrée des dix premiers jours du mois du pèlerinage. Pendant l’entrée en cet état, les relations charnelles ne sont plus permises entre époux, Il n’est pas permis aussi de nuire à aucun être vivant, animal ou végétal. Même la chasse est interdite pendant cette phase jusqu’à la fin du pèlerinage. Et si jamais, le pèlerin, en état de sacralisation, commet l’un de ses interdits, il doit les réparer par une compensation. La sacralisation ou Ihram fait réconcilier le pèlerin avec la paix comme il l’a fait renouer avec la pureté et la pudeur, incarnée et par l’eau de la purification et par la couleur blanche de la tenue vestimentaire. Une fois, l’acte de sacralisation effectué, vient le tour de Talbeya ou exaucement de l’appel qui est la réponse à l’appel au pèlerinage lancé par le père des prophètes Ibrahim, béni soit-il, un appel qui lui fut ordonné par le Tout-Puissant. En effet, dans sourate Alhajj, nous lisons au verset 26 : « Et fais aux gens une annonce pour le Hajj. Ils viendront vers toi, à pied, et aussi sur toute monture, venant de tout chemin éloigné ».
) وأذن في الناس بالحج يأتوك رجالًا وعلى كل ضامر يأتين من كل فج عميق( سورة الحج، الآية 26.
Cette Talbeya qui commence par « Me voilà O Seigneur, me voilà, perdurera jusqu’à la fin des temps, chaque fois qu’un Pèlerin vient exaucer le vœu et l’appel d’Ibrahim. Cet exaucement n’est pas seulement spécifique au culte du pèlerinage mais c’est un engagement du pèlerin envers son Seigneur qu’une fois revenu chez lui, il répondra à l’appel, à l’ordre, au commandement émanant de son Seigneur quel qu’ils soient.
Une fois, l’acte de sacralisation effectué et la talbeyya entamée, on passe au deuxième pilier qui est le Tawaf.
Le tawâf est une procession circulaire de 7 tours autour de la Ka‘ba, en commençant à partir de la pierre noire dans le sens inverse des aiguilles d’une montre. Le tawâf est de plusieurs sortes : le tawâf de l’arrivée, le tawâf Ifada accompli après la station Arafât, le tawâf de l’adieu et le tawâf surérogatoire. Ce tawaf fait par le pèlerin le fait vivre un retour en arrière lui faisant passer en revue toute sa vie antérieure. Son cœur, étant à gauche, est tout proche de la Kaaba c’est comme s’il programmait un compte à rebours vers un nouveau départ dans la vie. C’est pourquoi, après que le pèlerinage ait été performé, le pèlerin revient vers son pays, tout repenti de ses péchés comme s’il vient de renaître. Le Tawaf aussi reproduit le mouvement orbital de l’univers du plus petit atome jusqu’à la plus géante galaxie. Lorsque le Tawaf est exécuté, les pèlerins effectuent de manière volontaire ce rituel cosmique tout comme les atomes et les galaxies le font de manière compulsive dans leur soumission à la volonté d’Allah. Ce pilier reprend également la procession circulaire des anges autour de Bayt Almamour , une kaaba similaire à la nôtre, autour de laquelle évoluent les anges dans les cieux.
Du tawaf, le pèlerin doit passer à un autre rite pilier qui est l’aller-retour ou SA‘Y entre Safa et Marwa : C’est une procession qui consiste à accomplir 7 fois le parcours entre deux collines situées à l’intérieur de La Mecque (Safâ et Marwâ), en commençant par Safâ. Le parcours fait environ 395 m. C’est le parcours que Hajjar, épouse d’Ibrahim et mère d’Ismaïl, fit pour trouver l’eau, juste après, c’est l’eau de source Zamzam qui jaillit de sous les pieds d’Ismaïl, loin du parcours effectué par Hajjar. Cet aller-retour interminable en plein désert, sans protection, sans abri, sans aucun facteur de vie est un signe interpellant le Croyant à faire de son mieux, à apporter ce qu’il peut, dans la mesure de la capacité dont Allah l’a doté. Un effort dont l’aboutissement peut être ailleurs et plus grand que celui que l’on souhaitait, que l’on désirait. Hajjar a fait cet aller-retour pour ne étancher que la soif de son enfant, mais Allah lui donna une source qui étanchera la soif de tous les pèlerins jusqu’à la fin des temps. Cet effort perpétué pendant le pèlerinage est une rétribution de toute soumission inconditionnelle à l’Unique puisque Hajjar accepta de rester seule, avec son enfant, en plein désert, toute soumise à son Seigneur, convaincue qu’Il n’entraînera ni sa perte, ni la perte de son enfant. Zamzam fut et reste une source d’eau intarissable, symbolisant l’octroi divin en récompense à tout soumission inconditionnelle à l’Unique.
Obligatoirement accompli le 9ème jour de dhû-l-hijja, le troisième pilier qui s’appelle ARAFÂT est le plus grand pilier du Hajj, le pilier le plus important de cette pratique rituelle, Le messager d’Allah, béni soit-il, dit dans un hadith rapporté par Ahmad et d’autres : « Le pèlerinage c’est Arafat » . Le vrai sens de cet énoncé est que le stationnement à Arafat est absolument nécessaire pour la validité du pèlerinage. Celui qui ne l’effectue pas n’aura pas effectué le pèlerinage.
Durant cette journée de ferveur ultime, au pied du mont de la Miséricorde, située dans la plaine d’Arafat, les pèlerins passent leur temps à implorer Allah, L’invoquer, Lui demander Pardon, Miséricorde et Protection. La station ARAFAT est la station ou le pèlerin expérimente l’Unicité dans sa profondeur. En effet, le pèlerin doit consacrer la plupart de ses actes d’adoration aux invocations et aux implorations. Et pour ce faire, les prières sont regroupées. L’invocation réitérée par tous les prophètes depuis Adam jusqu’à notre messager, Mohammed ﷺ pendant cette station est :
« لا إله إلّا الله وحده لا شريك له، له الملك وله الحمد، وهو على كلِّ شيءٍ قدير”. « Il n’y a point de divinité que celle d’Allah, n’ayant aucun associé, A Lui la royauté et à Lui le louange, il est l’Omnipotent ». C’est le chant collectif de l’Unicité qui est mis en vedette.
Il y a aussi, l’étape MINA, quatrième rite pilier du pèlerinage, qui précède et suit la station ARAFAT. La première étape de MINA s’appelle le jour de Tarwiyya, c’est le huit ème jour de Dhou AlHijja, et c’est là que les pèlerins collectent l’eau pour pouvoir résister à la soif durant les jours qu’ils vont passer en dehors de la Mecque, d’où le nom de tarweyya qui signifie apaiser la soif.
En allant d’Arafat à Mina, on passe obligatoirement par Mouzdalifa où le pèlerin passe la nuit avant de rejoindre Mina. Située entre La Mecque et Arafat, Minâ possède trois stèles qui représentent Satan. La lapidation des stèles consiste à lancer sept pierres sur chacune d’entre elles. Les pèlerins doivent y passer au moins deux nuits avant de retourner à la Mecque. Cette lapidation fait référence aux trois fois où Satan se présenta devant Ibrahim pour le dissuader de ne pas se soumettre à la demande de sacrifice faite par le Tout Suprême. Cette lapidation est une déclaration interne entre le pèlerin et lui-même, signifiant qu’il ne laissera jamais négativité et péchés le dominer après ce jour. En jetant ces pierres, tout être humain déclare qu’il y a toujours possibilité de résister au Mal, de le combattre en son for intérieur. D’ailleurs, le messager d’Allah dit à ce propos : Abû Hurayrah (qu’Allah l’agrée) relate que le Messager d’Allah (sur lui la paix et le salut) a dit : « Quiconque accomplit le Pèlerinage (« Al-Ḥajj ») en évitant tout acte charnel, toute grossièreté et toute dispute ressort de celui-ci pur, vierge de tout péché comme le jour où sa mère l’a mis au monde. »
Authentique. – Rapporté par Al-Bukhârî et Muslim.
عن أبي هريرة -رضي الله عنه قال، رسول الله صلى الله عليه وسلم: «مَنْ حَجَّ، فلَمْ يَرْفُثْ، وَلم يَفْسُقْ، رَجَعَ كَيَوْمَ وَلَدْتُهُ أُمُّهُ.”
Le 10 jour de Dhi Alhija, le quatrième rite pilier du pèlerinage est célébré, c’est la fête du sacrifice pendant le pèlerinage, et aussi pour tout musulman à travers le monde. Il s’agit d’immoler un ovin, un bovin, ou un chameau en l’honneur du geste de soumission du prophète Ibrahim et de son fils Ismaël. Le sacrifice a lieu à n’importe quel point du périmètre sacré (Minâ, La Mecque, Muzdalifa).
Allah dit à Sourate Assaffat :
فَلَمَّا بَلَغَ مَعَهُ السَّعْيَ قَالَ يَا بُنَيَّ إِنِّي أَرَى فِي الْمَنَامِ أَنِّي أَذْبَحُكَ فَانْظُرْ مَاذَا تَرَى قَالَ يَا أَبَتِ افْعَلْ مَا تُؤْمَرُ سَتَجِدُنِي إِنْ شَاءَ اللهُ مِنَ الصَّابِرِينَ* فَلَمَّا أَسْلَمَا وَتَلَّهُ لِلْجَبِينِ* وَنَادَيْنَاهُ أَن يَا إِبْرَاهِيمُ* قَدْ صَدَّقْتَ الرُّؤْيَا إِنَّا كَذَلِكَ نَجْزِي الْمُحْسِنِينَ*إِنَّ هَذَا لَهُوَ الْبَلاَءُ الْمُبِينُ*وَفَدَيْنَاهُ بِذِبْحٍ عَظِيمٍ” (الصافات: 102-107).
Puis quand celui-ci fut en âge de l’accompagner, [Abraham] dit: «O mon fils, je me vois en songe en train de t’immoler. Vois donc ce que tu en penses». (Ismaël) dit: «O mon cher père, fais ce qui t’es commandé: tu me trouveras, s’il plaît à Allah, du nombre des endurants ». Puis quand tous deux se furent soumis (à l’ordre d’Allah) et qu’il l’eut jeté sur le front, ( 104 ) voilà que Nous l’appelâmes «Abraham!( 105 ) Tu as confirmé la vision. C’est ainsi que Nous récompensons les bienfaisants». ( 106 ) C’était là certes, l’épreuve manifeste. ( 107 ) Et Nous le rançonnâmes d’une immolation généreuse. »
Ibrahim, béni soit-il, répond au signe de son Créateur qui le lui révéla pendant son sommeil, il y répond sans hésitation ou peur, sans questionnement ou objection, et présente l’ordre à son fils « Vois donc ce que tu en penses ». La question d’Ibrahim ne fut pas posée pour consulter Ismaïl ou pour prendre son avis, elle le fut pour connaître la détermination d’Ismaïl à obéir à l’ordre Divin. Le but est qu’Ismaïl obéisse par soumission et non par contrainte et pour qu’il obtienne la rétribution sur son consentement de plein gré. D’ailleurs, il répond : « O mon cher père, fais ce qui t’es commandé : tu me trouveras, s’il plaît à Allah, du nombre des endurants », une réponse déterminée, sans crainte, pleine de politesse et de tendresse. Ainsi Ismaël se livre corps et âme à Son Seigneur Tout-Puissant. Au moment de l’exécution, ce sont père et fils qui se soumirent de leur plein gré, avec force et persévérance, à l’épreuve de l’immolation. Et c’est là que survint la récompense, le sacrifice d’un mouton au lieu d’Ismaël, un sacrifice grandiose qui reflète la magnificence de la foi, la beauté de l’obéissance et la rétribution de la soumission. Cette commémoration enseigne que le sacrifice de tout ce qui nous est cher est le meilleur moyen de montrer sa soumission au Suprême, que le croyant doit prouver sa foi et non seulement la clamer, que la foi est un geste qui accompagne l’intention et la parole.
En effet, les rites et pratiques du Pèlerinage sont très révélateurs et très instructifs. Allah, le Tout Puissant dit dans Sourate Le Pèlerinage –AlHajj- verset 32 : « Voilà [ce qui est prescrit]. Et quiconque exalte les injonctions sacrées d’Allah, s’inspire en effet de la piété des cœurs. » (ذَلِكَ وَمَن يُعَظِّمْ شَعَائِرَ اللهِ فَإِنَّهَا مِن تَقْوَى الْقُلُوبِ” (الحج: 32).
Cette Piété et Soumission de la part d’Ibrahim, de son épouse Hajjar, et de leur fils Ismaïl furent éternisées en faits et gestes à travers la pratique du Pèlerinage (Hajj), cinquième pilier de l’islam.
Il est affirmé à Sourate Assafat, verset 108-111 :
“وتركنا عليه في الآخرين ( 108 ) سلام على إبراهيم ( 109 ) كذلك نجزي المحسنين ( 110 ) إنه من عبادنا المؤمنين ( 111 ) “
« (108) Et Nous perpétuâmes son renom dans la postérité (109) «Paix sur Abraham» ( 110 ) Ainsi récompensons-Nous les bienfaisants;( 111 ) car il était de Nos serviteurs croyants ».
Qu’Allah nous compte parmi Ses serviteurs Croyants, Pieux et Soumis, glorifiant Les Rites et Pratiques de sa Religion révélée au Sceau de Ses Prophètes, Mohammed ﷺ. Amen